
Perturbateur endocrinien : définition, effets et conseils pour les éviter
valérie demarsInvisibles à l’œil nu et pourtant terriblement néfastes, les perturbateurs endocriniens sont partout : ils se glissent dans notre salle de bain, s’invitent dans notre trousse de maquillage, se déposent sur nos meubles et même nos murs, sont présents dans nos tupperwares, et vont même jusque dans le berceau de nos tout-petits…
Les perturbateurs endocriniens, ce sont toutes ces substances chimiques insidieuses, capables d’interférer d’une façon ou d’une autre avec notre système hormonal (soit notre système endocrinien), même à des doses infimes. Ils sont interdits pour certains, réglementés pour d’autres, parfois largement suspectés sans pour autant faire l’objet d’un encadrement clair, d’une limitation ou d’une interdiction…
Alors, comment s’y retrouver ? Comment prendre conscience, repérer, décrypter et éliminer ces produits dangereux de votre quotidien et de votre environnement, petit à petit ?
Dans cet article, nous vous accompagnons dans cette démarche pour :
- Comprendre ce qu’est un perturbateur endocrinien.
- Identifier les risques concrets pour votre santé et celle de vos proches.
- Découvrir pourquoi on en trouve encore dans tant de produits cosmétiques.
- Faire le point sur les réglementations actuelles.
- Apprendre à les repérer et à les éviter.
Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?
Le système endocrinien, qu’est-ce que c’est ?
Avant même de parler de perturbateurs endocriniens, il est bon d’avoir une bonne vision globale de ce que l’on appelle le système endocrinien : aussi appelé système hormonal, c’est un peu comme l’horloge centrale de notre organisme. Il fonctionne grâce à un réseau de glandes (thyroïde, hypophyse, ovaires, testicules, etc.), qui sécrètent des hormones. Ces messagers circulent dans tout le corps pour réguler des fonctions vitales comme la croissance, la reproduction, le métabolisme, le sommeil ou encore l’humeur.
Tout est finement orchestré : les interactions sont nombreuses et complexes, et dépendent aussi d’autres éléments : le foie, les intestins, le cerveau, le stress, l’alimentation, l’environnement… Lorsque ce système est perturbé par des éléments extérieurs, tout peut se désynchroniser, entraînant une cascade de symptômes divers et variés. C’est en somme ce que font les perturbateurs endocriniens.
À savoir : Chez les personnes atteintes de maladies hormonales chroniques comme le SOPK (syndrome des ovaires polykystiques), l’hypothyroïdie ou certaines formes d’endométriose, l’exposition répétée aux perturbateurs endocriniens peut amplifier les symptômes ou compliquer les traitements. Ces profils sont donc d’autant plus encouragés à limiter leur exposition.
Mais alors, qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?
Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques capables d’influencer le système endocrinien en :
- imitant certaines hormones naturelles (effet “usurpateur”) ;
- bloquant leur action (effet “antagoniste”) ;
- ou perturbant leur production, leur transport ou leur élimination.
Une dose infime peut avoir des effets notables sur le système endocrinien. On imagine alors très bien les répercussions lorsqu’on cumule notre exposition tout au long de la journée, tous les jours.
C’est là le véritable problème : même s’il existe des réglementations et qu’elles sont régulièrement revues, celles-ci ne tiennent pas compte de l’exposition globale des personnes, et de ce cumul. C’est ce qu’on appelle l’effet cocktail : un peu ici, un peu là… et au final, une exposition chronique aux conséquences bien réelles.
Où se cachent les perturbateurs endocriniens ?
Comme évoqué en introduction, les perturbateurs endocriniens sont partout :
- Dans les produits cosmétiques : crèmes, déodorants, maquillages, parfums…
- Dans les produits d’hygiène : dentifrices, shampoings, gels douche, lingettes, protections intimes.
- Dans les produits ménagers : désinfectants, sprays multi-usages, nettoyants pour vitres…
- Dans les plastiques alimentaires : boîtes de conservation, films étirables, bouteilles, couvercles, emballages.
- Dans les ustensiles de cuisine : poêles antiadhésives, spatules, biberons anciens…
- Dans les textiles : vêtements, rideaux, canapés, moquettes (notamment les traitements antitaches ou ignifugés).
- Dans les meubles et matelas : colles, vernis, mousses, retardateurs de flamme.
- Dans les jouets et objets pour enfants : plastiques souples, peintures, encres…
- Dans les matériaux de construction et peintures : solvants, colles, revêtements muraux.
- Dans l’eau du robinet (résidus de pesticides ou de médicaments).
- Dans certains aliments (via les pesticides, ou la migration depuis les emballages).
- Dans les produits électroniques : ordinateurs, téléphones, téléviseurs (via retardateurs de flamme).
- Dans les tickets de caisse thermiques (bisphénol A ou S).
- Dans les produits pharmaceutiques (certains traitements hormonaux ou résidus de médicaments dans l’environnement).
- Dans l’air…
Voici quelques exemples concrets de perturbateurs endocriniens fréquemment rencontrés :
- Parabènes : conservateurs utilisés dans les crèmes, déodorants, gels douche.
- Phtalates : fixateurs de parfum souvent cachés sous la mention “fragrance”, ou “parfum”.
- Bisphénol A (ou S) : plastique alimentaire, tickets de caisse.
- Triclosan, BHA, BHT : désinfectants ou antioxydants dans les dentifrices, soins visage, etc.
- Filtres UV chimiques : présents dans les crèmes solaires.
Et ce ne sont là que quelques exemples !
Découvrez notre article sur les produits cosmétiques dangereux, qui incluent les perturbateurs endocriniens, mais aussi les allergènes et les cancérogènes.
La problématique supplémentaire, c’est que, si les cosmétiques disposent d’une liste d’ingrédients réglementaire, la plupart des autres produits du quotidien ne sont pas tenus d’afficher leur composition chimique.
Pas d’étiquette “ingrédients” sur un meuble, une peinture ou un canapé, et aucune alerte visible sur les produits contenant des retardateurs de flamme ou des solvants. Résultat : une grande partie de notre exposition se fait à l’aveugle, sans possibilité de contrôle éclairé.
Il est alors très difficile de faire état de notre exposition réelle ; une bonne raison pour se renseigner, et éliminer dans un premier temps tout ceux qui “se voient”, dans les cosmétiques ou les produits d’entretien par exemple.
À savoir : Il existe des tests en laboratoire pour connaître la quantité de perturbateurs endocriniens emmagasinée dans notre corps. Il s’agit d’une prise de sang que l’on peut demander sans ordonnance, et qui sera alors réalisée à vos frais.
Mesurer les risques pour la santé
Comme nous venons de le voir, la présence de perturbateurs endocriniens dans notre organisme est pour ainsi dire inévitable : ils se trouvent partout, et nous sommes en contact avec eux au quotidien.
Nous les “collectons” de nombreuses façons, et ils interagissent avec notre système endocrinien de plusieurs manières, toutes néfastes.
Comment les perturbateurs endocriniens pénètrent dans notre corps ?
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Par ingestion : Lorsqu’on mange ou boit des aliments contaminés :
- fruits / légumes avec des résidus de pesticides,
- aliments ayant été en contact avec du plastique (bisphénol A, phtalates),
- eau contenant des résidus médicamenteux ou chimiques.
-
Par inhalation : En respirant des particules ou des vapeurs :
- émanations de produits ménagers,
- polluants volatils dans l’air intérieur (vernis, colles, peintures),
- poussières domestiques contenant des retardateurs de flamme ou des plastifiants.
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Par contact cutané : En appliquant sur la peau ou en touchant des surfaces contaminées :
- cosmétiques (crèmes, maquillage, shampoings),
- détergents ou produits ménagers manipulés sans gants,
- textiles ou meubles traités (anti-taches, ignifugés, etc.).
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Par voie transplacentaire : Certains perturbateurs traversent le placenta pendant la grossesse, exposant le fœtus in utero.
- Par l’allaitement : Des perturbateurs endocriniens liposolubles (stockés dans les graisses) peuvent passer dans le lait maternel.
Comment les perturbateurs endocriniens influencent-ils notre système hormonal ?
Les hormones sont comme des clés qui circulent dans le sang pour ouvrir ou fermer certaines fonctions du corps : croissance, reproduction, sommeil, métabolisme… C’est tout un système de codes et de récepteurs, où chaque hormone joue un rôle clé.
Les perturbateurs endocriniens, eux, sont des imitateurs, des bloqueurs ou des saboteurs :
- Ils prennent la place d’une vraie hormone (comme un faux badge qui trompe un portier).
- Ou bien ils empêchent la bonne hormone de se fixer là où elle doit agir.
- Parfois, ils modifient la production hormonale elle-même, la rendant trop forte ou trop faible.
Peu importe leur comportement exact, à partir du moment où une molécule influe sur le comportement normal d’une hormone et du système endocrinien, elle est classée dans la catégorie des perturbateurs endocriniens.
Les fonctions vitales régulées par les hormones sont déréglées, et les conséquences peuvent être très sérieuses, d’autant plus lorsqu’il s’agit de périodes clés du développement (fœtus, petite enfance, adolescence).
Bon à savoir : Une exposition à des perturbateurs endocriniens pendant la grossesse peut influencer le sexe biologique du fœtus, modifier la formation du cerveau, ou même avoir un impact sur le comportement futur de l’enfant.
Quels sont les effets sur la santé humaine ?
Les perturbateurs endocriniens peuvent donc :
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Altérer la fertilité
En perturbant la production ou la qualité des ovules et des spermatozoïdes, ou en brouillant les signaux nécessaires à l’ovulation ou à l’implantation embryonnaire.
Cela engendre des difficultés à concevoir, une augmentation du risque de fausse couche, ou encore le recours plus fréquent à la procréation médicalement assistée.
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Provoquer des troubles thyroïdiens
La thyroïde est une glande extrêmement sensible aux interférences hormonales. Un perturbateur peut la pousser à accélérer ou ralentir son activité.
Cela peut se traduire par une fatigue chronique, une prise ou perte de poids inexpliquée, une sensibilité au froid ou à la chaleur, des troubles du sommeil, de la concentration ou même de l’humeur.
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Accélérer la puberté
Certains perturbateurs imitent les œstrogènes, ce qui peut déclencher une puberté précoce, surtout chez les filles.
On observe alors une apparition anormale de signes de puberté avant 8–9 ans (apparition trop précoce des règles, poussée mammaire ou de pilosité avant l’âge normal), avec un impact physique mais aussi émotionnel chez l’enfant.
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Favoriser certains cancers
Les cancers du sein, de la prostate ou des testicules sont dits « hormonodépendants ». Lorsqu’un perturbateur stimule anormalement un récepteur hormonal, il peut favoriser la croissance de cellules déjà sensibles à ces signaux.
Cela peut favoriser la multiplication des cellules cancéreuses, une évolution plus rapide de la maladie, voire une moindre efficacité de certains traitements hormonaux. En cas de prédisposition (cancers hormonodépendants dans la famille par exemple), il est d’autant plus important de se pencher sur la question des perturbateurs endocriniens et de les éviter le plus possible.
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Affecter le développement du fœtus
Chez le bébé à naître, le système hormonal est encore en construction. Le cerveau, les organes reproducteurs, le métabolisme : tout est en construction pendant la grossesse et les premières années de vie. Une exposition précoce peut donc avoir des conséquences durables, même à l’âge adulte.
Les risques incluent des malformations, des retards de développement (langage, attention…), des anomalies de la différenciation sexuelle, des troubles cognitifs ou du comportement détectés plus tard dans l’enfance…
À savoir : L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) considère l’exposition aux perturbateurs endocriniens comme une menace majeure pour la santé publique à l’échelle mondiale.
Les perturbateurs endocriniens agissent ainsi sur notre santé, mais pas que : ils sont également néfastes pour l'environnement et la biodiversité, impactant les écosystèmes tant terrestres qu'aquatiques.
Quelle est la réglementation actuelle ?
On pourrait imaginer que face aux risques pour la santé, les perturbateurs endocriniens soient strictement encadrés, voire interdits. Et pourtant… la réglementation reste encore très incomplète.
Les mesures qui existent varient fortement selon les pays, les secteurs d’activité et les substances concernées. Résultat : il est encore possible de croiser des perturbateurs reconnus dans des produits que l’on utilise tous les jours.
En Europe, un cadre qui avance lentement
L’Union européenne a mis en place plusieurs textes pour encadrer les substances chimiques, notamment :
- Le règlement (CE) n° 1223/2009 sur les cosmétiques, qui interdit certaines substances classées comme dangereuses.
- Le règlement REACH, qui impose l’enregistrement et l’évaluation de nombreuses substances chimiques, avec un principe de précaution.
- La directive sur les produits biocides ou encore la directive sur les jouets, qui mentionnent parfois des substances perturbatrices.
Mais ces textes rencontrent plusieurs limites :
- Tous les perturbateurs endocriniens ne sont pas encore officiellement identifiés ou reconnus dans les listes réglementaires.
- Les évaluations se font substance par substance, alors que l’effet cocktail — c’est-à-dire la combinaison de plusieurs perturbateurs — n’est pas pris en compte.
- Certaines substances sont seulement restreintes, mais pas totalement interdites.
À l’international : des disparités importantes
Aux États-Unis, au Canada, au Japon ou ailleurs, la réglementation varie fortement. Certaines substances interdites en Europe peuvent être autorisées ailleurs, et inversement. La responsabilité de la sécurité repose souvent sur les fabricants, ce qui complique la transparence pour les consommateurs.
Et dans les cosmétiques ?
Le secteur cosmétique est l’un des plus surveillés, mais cela ne signifie pas qu’il soit exempt de substances problématiques. De nombreux perturbateurs endocriniens suspectés sont encore utilisés dans des soins, notamment :
- des filtres UV dans les crèmes solaires,
- des conservateurs (comme le phénoxyéthanol ou certains parabènes),
- des parfums contenant des phtalates, souvent dissimulés sous la mention générique "parfum".
Envie d’en savoir plus ? Consultez notre article dédié : Les réglementations sur les perturbateurs endocriniens : comprendre et se conformer pour une vue détaillée sur ce sujet.
Comment faire la chasse aux perturbateurs endocriniens ?
Faire la chasse aux perturbateurs endocriniens ne signifie pas vivre dans la peur ou remplacer toute sa maison du jour au lendemain !
Il s’agit avant tout d’ouvrir les yeux, de faire des choix plus éclairés, et de reprendre petit à petit le contrôle sur ce que l’on applique, respire ou consomme au quotidien. Voici les premiers réflexes à adopter pour réduire au fur et à mesure votre exposition.
1. Apprendre à les repérer
La première étape, c’est de savoir où chercher et quoi traquer. Et ça commence par trois bons réflexes.
Lire les étiquettes (INCI)
Les produits cosmétiques affichent une liste complète de leurs ingrédients, que l’on appelle la liste INCI. Mais encore faut-il comprendre les noms souvent complexes. Certains perturbateurs endocriniens sont clairement identifiables : parabènes, phénoxyéthanol, triclosan, cyclopentasiloxane, etc. D’autres sont cachés sous des termes vagues comme "parfum" ou "fragrance".
Utiliser des applications d’analyse
Pour gagner du temps (ou démarrer sans stress), certaines applis comme INCI Beauty, Yuka ou QuelCosmetic permettent de scanner ses produits et de repérer les ingrédients à éviter.
Ce n’est pas parfait, mais c’est un bon point de départ. En les utilisant régulièrement, vous vous familiarisez avec les noms des produits et leurs dangers associés.
Se fier aux bons labels
Tous les labels ne garantissent pas l’absence de perturbateurs endocriniens. En revanche, certains labels sont de vrais repères de confiance. On pense par exemple à :
- Cosmébio,
- COSMOS,
- Nature & Progrès…
Pour en savoir plus sur les meilleurs labels garantissant l’absence de perturbateurs endocriniens, découvrez notre article et approfondissez le sujet.
2. Simplifier sa routine : moins mais mieux
Pas besoin de 12 produits pour prendre soin de soi. Alléger sa routine, c’est souvent l’occasion d’éliminer des perturbateurs… sans s’en rendre compte.
- Choisissez des formules courtes et lisibles (moins d’ingrédients = moins de risque).
- Évitez les doublons : une huile végétale bien choisie peut remplacer un sérum, une crème de nuit et un contour des yeux.
- Tournez-vous vers des basiques multifonctions : savon d’Alep, huile de jojoba, argile, aloe vera…
3. Chasser pièce par pièce
Plutôt que de vouloir tout changer, mieux vaut avancer pièce par pièce, en commençant par les produits les plus simples à remplacer et les plus exposants.
- Si vous n’avez pas le coeur de les jeter, terminez vos produits, puis remplacez-les un par un, en faisant des choix plus éclairés. Pendant ce laps de temps, vous pouvez vous consacrer à quelques recherches, comparer les prix, évaluer les labels…
- Commencez par le plus simple, le plus quotidien, le plus accessible.
- Et souvenez-vous : chaque petit changement compte.
Dans la salle de bain
- Déodorant, dentifrice, crème hydratante, maquillage, protections hygiéniques : ce sont les produits les plus directement absorbés par la peau ou les muqueuses.
- Commencez par ceux que vous utilisez chaque jour.
Pour aller plus loin : Cosmétiques : comment éviter les perturbateurs endocriniens pour préserver sa santé
Dans la cuisine
- Remplacez les boîtes en plastique par du verre ou de l’inox.
- Évitez le film étirable, et fuyez les ustensiles douteux (poêles rayées, spatules plastiques).
- Préférez les produits ménagers simples ou faits maison (vinaigre, bicarbonate, savon noir…).
Dans la chambre et le salon
- Aérez régulièrement : les particules chimiques s’accumulent dans les poussières.
- Limitez ou supprimez les bougies parfumées, sprays d’ambiance, encens…
- À long terme, vous pouvez privilégier les meubles non traités, ou certifiés sans solvants toxiques.
En bref, chassez avec intention, mais sans pression. Vous n’éliminerez jamais tous les perturbateurs endocriniens de votre environnement. Mais vous pouvez en réduire fortement l’impact en faisant des choix conscients et engagés.
- Commencez par ce qui touche votre peau.
- Fiez-vous à des repères fiables, pas à des promesses marketing.
- Et avancez à votre rythme, en toute conscience.